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À la découverte des compositrices

Les musiciennes enseignantes du conservatoire de Saint-Nazaire. (©Ville de Saint-Nazaire - Christian Robert) - Agrandir l'image, .JPG 214Ko (fenêtre modale)
Les musiciennes enseignantes du conservatoire de Saint-Nazaire. (©Ville de Saint-Nazaire - Christian Robert)

Début mars, à l’occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes, le conservatoire de Saint-Nazaire consacre sa programmation aux femmes en musique. Concerts, mais aussi exposition et conférences viendront confirmer que le talent n’est pas une question de genre.

Pour la première fois à Saint-Nazaire, des compositrices restées méconnues vont sortir de l’ombre. Élèves, artistes-enseignants et spécialistes contribuent à les réhabiliter pour leur talent et le plaisir de nos oreilles. Ce projet collectif se décline en sept rendez-vous qui mettront notamment à l’honneur la compositrice nantaise Marie-Charlotte Baudry (1883-1960).

"En travaillant sur l’exposition itinérante dédiée aux femmes et à leur histoire en Loire-Atlantique, nous avons trouvé des partitions de Marie-Charlotte Baudry, relate Véronique Sassetti-Aguilera, conservatrice du patrimoine et adjointe au directeur des archives départementales. Nous les avons proposées à des artistes pour savoir ce qu’elles valaient, puis les faire revivre."

C’est ainsi que Nathalie Darche, professeure de piano au conservatoire de Cap Atlantique, s’est emparée des œuvres de la compositrice. Elle raconte : "C’était au début de notre duo avec Chloé Cailleton, "Quart d’heure américain". Nous avons créé un programme faisant se rencontrer la poétesse Élisa Mercœur et Marie-Charlotte Baudry. Nous avons mis en musique les textes et réarrangé la musique de la compositrice pour les faire entrer dans notre univers. Nous sommes très contentes de mettre en lumière ces deux Nantaises qui n’ont pas eu accès à la même notoriété que les hommes. Dans tout mon parcours d’études en conservatoires, je n’avais jamais travaillé d’œuvres de femme !"

Défendre la qualité des œuvres écrites par des femmes

Véronique Sassetti-Aguilera confirme que de nombreuses musiciennes n’ont jamais réussi à se faire connaître. Marie-Charlotte Baudry, professeure de piano au conservatoire de Nantes, avait pourtant essayé.

"J’ai reconstitué sa biographie car nous n’avions aucune information. Elle a essayé de percer avec le soutien de l’Union des femmes artistes et musiciennes qui aidait les femmes à donner des concerts à Paris." Avec l’exposition Être femme, parcours dans les archives et une conférence le mardi 7 mars, la conservatrice espère mettre en valeur les femmes artistes.

La même envie habite le trio Viardot qui interprètera trois compositrices : Amy Beach, Fanny Menselssohn et Germaine Tailleferre. "Ce n’était pas bien vu pour les femmes d’être artistes, elles devaient se contenter d’avoir un vernis culturel et de s’occuper de la maison, remarque la pianiste du trio et accompagnatrice au conservatoire de Saint-Nazaire, Joy-Helen Morin. Jusqu’en 1850, elles n’avaient pas accès aux classes de composition. Le prix de Rome leur était interdit jusqu’à ce que Lili Boulanger, sœur de Nadia Boulanger, l’obtienne à l’aveugle en 1913. Le jury ignorait qu’il s’agissait d’une femme. Certaines, comme Clara Schumann, utilisaient le nom de leur mari pour pouvoir publier."

Des parcours de musiciennes aujourd’hui

La violoncelliste Cécile Grizard, membre du trio Viardot et enseignante au conservatoire de Saint-Nazaire, espère que les concerts du temps fort auront une résonance pédagogique. "Nous ne connaissons pas les mêmes obstacles que les femmes qui nous ont précédées. Faire de la musique, c’était naturel pour moi, tout comme en faire mon métier. Ma mère était violoniste et mon père guitariste."

Joy-Helen Morin fait le même constat : "La chance qu’on a, je l’ai comprise après coup. Nous n’avons pas à combattre contre la volonté du père ou du mari, comme Germaine Tailleferre. Très jeune, mes parents m’ont encouragée. À 10 ans, je ne voulais plus aller à l’école, alors je n’y allais que le matin pour pouvoir faire du piano l’après-midi, puis je suis partie dans une école spécialisée en musique à 700 km de chez moi, à Manchester."