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Contraints et forcés, ils ont construit la base sous-marine de Saint-Nazaire

David Samzun, maire de Saint-Nazaire, et Manuel Duran des Amis des Combattants en Espagne Républicaine, dévoilent la plaque en hommage aux travailleurs forcés de construire la base sous-marine. (©Ville de Saint-Nazaire - Christian Robert) - Agrandir l'image, .JPG 5,79Mo (fenêtre modale)
David Samzun, maire de Saint-Nazaire, et Manuel Duran des Amis des Combattants en Espagne Républicaine, dévoilent la plaque en hommage aux travailleurs forcés de construire la base sous-marine. (©Ville de Saint-Nazaire - Christian Robert)

Le maire de Saint-Nazaire David Samzun a dévoilé une plaque en mémoire des Républicains espagnols et travailleurs de toutes nationalités qui ont été contraints à participer à la construction de la base sous-marine. Un moment important pour les descendants mais pas seulement.

Dans l'alvéole 9 de la base sous-marine de Saint-Nazaire, des drapeaux rouge, jaune et violet volent dans un vent froid. Les drapeaux des Républicains espagnols se mêlent aux drapeaux français pour le dévoilement de la plaque en leur hommage et en mémoire à tous ceux qui ont construit, contraints et forcés par l'armée allemande, la base sous-marine entre 1941 et 1943. Quelques descendants sont présents. L'émotion se lit sur leurs visages. "On a l'expérience de leur douleur et de leur force, témoigne Gabrielle Garcia. Elles nous poussent à continuer la lutte pour la mémoire."


Prisonniers du camp Franco dans les hangars de la SNIAS. Guerre de 39- 45. ©Collection (Gérard) Derouin Cliché Saint-Nazaire Tourisme et Patrimoine-Écomusée

Comme 470 000 Espagnols, le père de Gabrielle Garcia*, originaire de Grenade, a passé la frontière en 1939 pour fuir le franquisme. Il a été incorporé dans une CTE, ou compagnie de travailleurs étrangers, et forcé à construire la base sous-marine de Brest. Les CTE étaient des unités de 250 hommes environ, commandées par des officiers français. Les réfugiés étrangers y étaient enrôlés pour suppléer la main d'oeuvre qui manquait en France. Le régime de Vichy les a mis à disposition des Allemands pour les constructions d'usines d'armement, de bases de sous-marins et de lignes de fortifications comme le Mur de l'Atlantique.

88 Espagnols arrêtés

La base de Saint-Nazaire a notamment été construite par les Espagnols réunis dans le camp Franco de Montoir-de-Bretagne. Parmi eux, nombre de Républicains, militants communistes et socialistes, poursuivaient une lutte clandestine contre l'occupant nazi. Ils ont par exemple saboté la fonte du bronze de la première statue Sammy que les Allemands destinaient à de l'armement. Mais en 1942, l'organisation a été démantelée et 88 Espagnols arrêtés et internés. Cinq seront fusillés le 13 février 1943 à l'issue du "procès des 42" à Nantes.


Vue du toit des frigos pendant l'achèvement du toit de la base côté Sud avant l'opération chariot. ©Collection Scharpfenecker Cliché Saint-Nazaire Tourisme et Patrimoine-Écomusée. Photographie ScharpfeneckerCarlos Fernandez, vice-président du Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure, porte un drapeau républicain. "C'est très émouvant, confie-t-il. La plaque est une belle initiative, cela manquait. Il y en a sur les bases de Bordeaux et de Brest, mais pas encore à La Rochelle, ni à Lorient." 

Fils de réfugiés espagnols, Carlos Fernandez est né en 1951 près de Nantes. Après avoir passé sept ans au bagne en Galice, son père s'est enfui dans une barque avec cinq autres républicains, dont sa mère Dolores. Si ses parents n'ont pas participé à la construction de la base sous-marine, Carlos Fernandez a eu besoin de raconter leur histoire dans  "La route des sables", édité par le Centre d'Histoire du Travail.

Symbole de résistance



"Ce geste fort, nous nous devions de le faire pour nous, par fidélité à nos valeurs, mais aussi pour nos enfants", dit le maire David Samzun dans son discours. Il évoque ensuite les migrants "qui fuient la misère et la guerre" et les "projets de murs, de l'autre côté de l'Atlantique", des situations qui font tristement écho au passé. 

Manuel Duran de l'ACER (Amis des Combattants en Espagne Républicaine) et Guy Texier du Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure pointent également des similitudes entre les années 1930 et aujourd'hui. Le second affirme : "l'hommage que nous rendons ici n'est pas seulement un devoir de mémoire mais aussi un avertissement pour l'avenir."

* Le réalisateur Alain Gallet raconte l'histoire de José Garcia dans le documentaire "La lettre à Gabrielle".