- Sports, Culture

Diallo et Héloir, des sportifs qui ont marqué Saint-Nazaire

De gauche à droite : François Blancho, maire de Saint- Nazaire de 1925 à 1941 puis de 1945 à 1968, le boxeur Souleymane Diallo et son entraîneur Yvon Quéfféléan ©DR - Agrandir l'image, .JPG 0,98Mo (fenêtre modale)
De gauche à droite : François Blancho, maire de Saint- Nazaire de 1925 à 1941 puis de 1945 à 1968, le boxeur Souleymane Diallo et son entraîneur Yvon Quéfféléan ©DR

Le sport occupe une place importante dans l’histoire de Saint-Nazaire. En témoigne le 2e hors-série d’Histoire et Patrimoine écrit par Maxence Ponroy. La boxe, pratiquée depuis plus d’un siècle, y est toujours populaire. Quant à la marche athlétique, elle est tombée en désuétude. Deux figures de ces disciplines, Souleymane Diallo et Albert Héloir, nous racontent leurs parcours.

À 81 ans, il y pense encore avec regrets. Ce 23 novembre 1964, à Paris, Souleymane Diallo voulait décrocher le titre de champion d’Europe. Le combat de boxe se fait en 15 rounds. "J’ai mené le combat, puis j’ai fait une bêtise au 14e round", se souvient le grand boxeur nazairien en poids moyen. "À la sortie d’un corps à corps, il esquive une droite qui lui passe au-dessus de la tête mais ne peut éviter la gauche qui le cloue au sol", décrit le journaliste Maxence Ponroy dans Presse Océan*. "J’étais KO, j’ai perdu bêtement contre l’Italien Bruno Visintin", conclut l’ancien boxeur.

Cinquante-quatre ans plus tard, les combats de cham- pionnat d’Europe comptent 12 rounds. Souleymane Diallo décrocherait aujourd’hui le titre tant convoité. Mais cette défaite - il en a connu seulement cinq sur cinquante combats de professionnel - n’enlève rien au talent du boxeur, surnommé "la panthère".

* Presse Océan du 9 mars 1999

De Dakar à Saint-Nazaire

Trois fois champion de France, Souleymane Diallo avait grandi au Sénégal. "J’ai commencé à boxer à Dakar vers 14 ans." En 1956, il découvre Brest, puis Toulon, en tant que marin. C’est là qu’il reprend la boxe. À 22 ans, il devient champion de France en amateur, il est le seul Français à accéder aux quarts de finale des Jeux Olympiques à Rome et s’installe à Paris pour se lancer dans la boxe professionnelle.

Henri Fogel, du SNOS boxe nazairien, le repère. Après le boxeur briéron Charles Colin, l’idole des Nazairiens (quarante-quatre victoires sur cinquante-huit combats) qui pouvait attirer 8 000 spectateurs au hangar de la Chambre de commerce boulevard Leferme, Saint-Nazaire n’a plus de tête d’affiche. "J’étais perdu en arrivant ici ce 26 octobre 1960", témoigne Souleymane Diallo. "C’était une ville ouvrière à l’ambiance bien différente de Paris."

Un styliste toujours vainqueur

L’entraîneur Yvon Quéffélean, boxeur avant la guerre, s’occupe de lui. "Quéffé", comme l’appelle Guy Belliot, mémoire de la boxe à Saint-Nazaire, c’est l’homme qui a commencé à remonter ce sport en 1948. "Un vrai passionné qui faisait passer la boxe avant toute chose", se rappelle Souleymane Diallo. "J’ai trouvé en lui un esprit de famille et une intégrité que je ne pouvais pas trouver à Paris." Quéffé aura ainsi lancé Maurice Sochard et Charles Colin.

Dès le 3 décembre 1960, Souleymane Diallo dispute son premier combat professionnel face à Antoine Komraus. Il le remporte par arrêt de l’arbitre au 4e round. Les années qui suivent, la nouvelle vedette de Saint-Nazaireremporte la plupart de ses combats avant la limite, notamment grâce à son crochet du gauche.

Il épouse Maria, employée à la Ville, en 1962 : "Comme il gagnait tout le temps, c’était une fête ! Il y avait un monde fou." Après Charles Colin connu pour être un frappeur, Souleymane Diallo s’affirme comme un styliste plus qu’un bagarreur.

Le temps de la reconversion

En 1965, après un différend avec Henri Fogel, Souleymane et Maria Diallo ouvrent un café à Nantes. Le pugiliste poursuit les combats avec le manager parisien Philippe Filippi et doit affronter Jean-Claude Bouttier. "Malheureusement, il avait une grippe", commente Souleymane Diallo. "Le combat a donc été annulé quelques jours avant, mais moi, je l’ai appris la veille seulement et par ma femme qui l’avait vu dans un journal." Le boxeur décide de mettre un terme à sa carrière. "Vexé, j’ai arrêté de boxer. À 32 ans, c’était suffisant", dit-il simplement. À ses côtés, Maria ajoute : "Les boxeurs étaient peu considérés, c’était du business."

Le couple se concentrera sur sa brasserie nantaise, avec ses deux enfants. Au bout de quarante ans, il revient à Saint-Nazaire pour se rapprocher de la famille et y passer sa retraite. Mais la boxe n’est pas si loin. "Je suis passé à la salle d’entraînement la semaine dernière", confie Souleymane Diallo. "La famille Cazeaux a repris le flambeau, et Papot, il est bon."

La famille Héloir et le virus de la marche

Très jeune, dès 1943, Albert Héloir s’est passionné pour la marche. Ses parents, de Saint-Nazaire, s’étaient réfugiés à Couëron pendant les bombardements. "Nous habitions à 500 m du vélodrome Marcel-de-la-Provôté où je voyais le club de marche des cheminots nantais. Les adultes m’ont encouragé à m’entraîner." À 10 ans, Albert Héloir prend sa licence. C’est le début d’une longue carrière uniquement interrompue par le service militaire et la guerre d’Algérie.

En 1947, la famille Héloir rentre à Saint-Nazaire où Albert s’inscrit au SNOS. "Chaque village, chaque quartier avait sa compétition. Il y avait des épreuves de marche le matin et de vélo l’après-midi. C’était une fête avec un bal le samedi soir, souvent accompagné d’une fête foraine." En 1946, Albert Héloir devient champion d’Anjou minime et décroche de nombreux titres. Son épouse, Jeannine, le soutient : "C’était presque tous les week-ends, on aimait l’ambiance, les copains."

Le marcheur s’entraîne deux fois par semaine. "C’était de la vitesse", précise le compétiteur deux fois 2e aux championnats de France junior, "on marchait à 12 km/h". De retour d’une compétition à Angers par le dernier train, il lui reste 4 km à pied avant de rejoindre le bungalow où le couple vit avec les parents de Jeannine. Il arrive juste à temps pour la naissance de leur fils Patrick, en 1955. Celui-ci fera partie de l’équipe de France de marche athlétique et s’illustrera à l’international.

Du SNOS à l’ASPTT

Après la disparition du SNOS en 1965, Albert Héloir est chargé de créer une section marche à l’ASPTT où il est employé. "Tous les ans, j’organisais les six heures de Saint-Nazaire avec des clubs de toute la France et de l’étranger ; pour l’ambiance sonore on mettait de la musique dans les voitures avenue de la République."

Jeannine est toujours à ses côtés pour effectuer le secrétariat et les revues de presse. Elle l’accompagne le plus souvent possible sur les compétitions. "Les femmes aidaient leur mari," relate-t-elle. "On courait autour d’eux ou bien nous étions à vélo pour les ravitailler. Parfois, je le retrouvais dans un drôle d’état, comme après l’ascension du Ballon d’Alsace ; mais il était bien classé. Cela nous a fait voyager." Le couple se souvient alors des 12 h de Lau- sanne de minuit à midi. "À 5h, j’avais le coup de pompe" remarque Jeannine. Albert Héloir obtient la 6e place.

50 ans de compétitions

Avec quatre enfants, la famille parvient toujours à s’organiser. Entre 1944 et 1994, le marcheur participe à 696 épreuves en France, en Suisse ou en Belgique. "Souvent je rentrais vers 4h dans la nuit du dimanche au lundi et à 8h j’allais au travail." raconte Albert Héloir.

A part Nathalie, les enfants ont gardé le virus de la marche. Le 24 mai 1970, jour de ses 36 ans, Albert Héloir est vainqueur en seniors à Bordeaux aux côtés de Patrick, vainqueur en minimes. Dominique est devenue championne de Belgique et Stéphane est passé de la marche à la course à pied. En 2011, ce dernier a effectué près d’un marathon par jour pour parcourir 10 000 km de Saint-Nazaire au Népal.

100 ans de sport à Saint-Nazaire

Le tome 2 du hors-série "Histoire et patrimoine" consacré au sport à Saint- Nazaire est sorti mi-octobre. Maxence Ponroy y partage le fruit de cinq années de recherches qu’un seul tome ne pouvait contenir. "Je m’appuie sur plus de 14 000 documents des Archives de Saint-Nazaire et des Archives départementales."

Longtemps journaliste à Presse Océan et à l’Écho de la Presqu’île, l’auteur s’intéresse ici aux sports "modernes" entre 1860 et 1960, tels que la boxe, le football, le rugby, les sports mécaniques ou le basketball. Il décrit aussi les pratiques sportives dans les quartiers et pendant les trois guerres (1870, 1914-1918, 1939-1945), aborde l’histoire du sport scolaire et celle de la presse sportive nazairienne. "Tout cela n’a jamais été raconté. Je m’étais promis de le faire." Les 200 pages de ce tome 2 fourmillent d’anecdotes et d’images à découvrir.

A.P.H.R.N. - Hors-série n° 11 (partie 2/2) - octobre 2018 - 20 €