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Faciliter l’insertion professionnelle via les marchés publics

Avec la réalisation de ses projets professionnels, Abel espère construire une nouvelle vie avec sa compagne et son fils à Saint-Nazaire. (©Ville de Saint-Nazaire - Christian Robert) - Agrandir l'image, .JPG 208Ko (fenêtre modale)
Avec la réalisation de ses projets professionnels, Abel espère construire une nouvelle vie avec sa compagne et son fils à Saint-Nazaire. (©Ville de Saint-Nazaire - Christian Robert)

Introduire une dimension sociale dans la commande publique, c’est tout l’intérêt des clauses sociales des marchés qui peuvent avoir un effet important pour des personnes éloignées de l’emploi. En témoignent les parcours d’Abel et d’Ibrahim,embauchés par André BTP et GE pour des travaux de la CARENE et de l’État.

Témoignage d'Abel
"J’ai envie de continuer"


Suivi par l’entreprise de travail temporaire d’insertion Inserim, Abel découvre André BTP* en 2020 sur une opération du bailleur Silène comportant des clauses sociales. Le jeune Érythréen voit son contrat de mise à disposition reconduit jusqu’à être embauché en CDI début 2022. "Cela me plaît beaucoup, confie-t-il. Les chefs sont très gentils, j’ai appris plein de gestes et j’ai envie de continuer."

Auparavant hébergé dans un centre d’accueil des demandeurs d’asile dans la Sarthe, Abel avait intégré une promotion Hope (hébergementorientation-parcours vers l'emploi) et obtenu un certificat en menuiserie intérieure et différentes habilitations. Il avait aussi suivi la formation Point clé pour apprendre le français et les mathématiques.

*entreprise de construction, filiale du groupe Demathieu Bard.

Abel s’était installé à Saint-Nazaire en 2019 pour une formation à l’Afpa. Par la suite, ses missions chez André BTP, liées aux clauses sociales inscrites dans les marchés, ainsi qu’au caractère citoyen de l’entreprise, lui permettent de développer des compétences et de gagner en assurance.

"Abel est volontaire et totalement impliqué, se réjouit le chef de chantier Étienne Gautier qui le suit depuis près de trois ans et travaille avec lui sur un nouveau bâtiment au lycée Sainte-Anne. C’est dans la politique de l’entreprise de former et de garder les bons éléments."

Avec cette expérience, Abel a pu construire son parcours professionnel et son parcours personnel. Accompagné dans ses démarches d’accès à un logement autonome et d’obtention du code de la route, il envisage aujourd’hui d’accueillir sa femme et son fils qui vivent en Éthiopie. "J’ai un garçon de 6 ans que j’ai vu une seule fois. Nous l’avons appelé Mirakle", sourit le père de 31 ans qui attend cette réunification familiale avec empressement.

Témoignage d'Ibrahim
"J’ai travaillé sur 80 éoliennes"


Originaire du Soudan, Ibrahim vit en France depuis 2018. Passé par Paris et par Nantes, il obtient la protection subsidiaire*, puis intègre le programme Hope en 2020 à Saint-Nazaire.

Hébergé à l’Afpa, il suit pendant neuf mois des cours de français, ainsi qu’une formation sur le métier d’assembleur monteur de systèmes mécanisés afin de répondre aux besoins de GE Renewable Energy (GE). L’entreprise américaine assemble à Montoir-de-Bretagne les nacelles et les génératrices des éoliennes du premier parc français en mer. Fin 2020, via l’entreprise d’insertion Inserim, Ibrahim commence à travailler pour GE comme intérimaire. "Sans cet accompagnement, cela aurait été compliqué de trouver un emploi, confie le jeune homme de 26 ans. L’an dernier, j’ai travaillé sur 80 éoliennes."

Le 1er janvier 2022, Ibrahim signe un CDI d’opérateur de production chez GE. "J’aime mon travail. Je connaissais un peu la mécanique, j’en avais fait au Soudan." Ibrahim a passé des habilitations pour le pont roulant et le travail en hauteur, ainsi qu’une certification pour conduire des nacelles. "Je vais aussi me former sur la qualité et j’envisage un jour de passer mon permis de conduire", projette-t-il.

Ibrahim a pu accéder à un logement social. Le week-end, il pratique le football à Saint-Nazaire. "J’ai ma famille chaque semaine au téléphone, ils sont fiers de moi."

*Cette protection internationale est attribuée à l’étranger qui est exposé à un risque de subir une atteinte grave dans son pays, mais qui ne remplit pas les conditions pour obtenir le statut de réfugié.

A savoir

Le principe des clauses sociales est d’utiliser le volume d’heures de travail généré par la commande publique et d’en réserver une partie aux personnes éloignées de l’emploi. À la CARENE, cette volonté politique s’illustre depuis une dizaine d’années dans la pratique de ses propres marchés publics, comme le chantier de l’école des beaux-arts et dans l’accompagnement qu’elle apporte aux maîtres d’ouvrage tels que l’État et EDF EN pour le chantier du parc éolien.

Des facilitateurs

La France compte environ 400 facilitateurs des clauses sociales. À la CARENE, une facilitatrice accompagne une quinzaine de maîtres d’ouvrage par an et travaille avec les entreprises qui ont répondu aux marchés pour les aider à respecter leurs clauses sociales, c’est-à-dire à recruter des demandeurs d’emploi directement ou par des structures comme les associations intermédiaires et les entreprises de travail temporaire d’insertion.

L’objectif de l’État est que 30% des marchés publics intègrent ces clauses d’ici 2030. Aujourd’hui, moins de 10% des marchés publics comportent des clauses sociales.

La clause sociale comme levier

Le travail mené avec GE Renewable Energy (GE) pour l’appel d’offres de l’État sur le premier parc éolien en mer français, au large de Saint-Nazaire, a permis à l’entreprise américaine de rencontrer les acteurs locaux de l’emploi et de l’insertion. En 2020, dix-neuf personnes éligibles à la clause sociale ont pu être formées et obtenir un titre professionnel pour travailler sur la production de nacelles. Trois d’entre elles ont été embauchées en CDI.

À la suite de ces clauses sociales, GE a continué à diversifier ses profils de recrutement et aller vers des publics éloignés de l’emploi. Deux programmes Hope (hébergementorientation-parcours vers l'emploi) sont en cours avec vingt-cinq personnes, dont douze hommes et femmes réfugiés ukrainiens.